lundi 14 avril 2014

Lettre ouverte au Président de la République

Mexico, le 14 avril 2014



Monsieur le Président de la République française,


Enseignants au lycée franco-Mexicain de Mexico, nous nous réjouissons, en tant que citoyens français ou franco-mexicains, de la reprise des relations bilatérales entre nos deux pays de cœur. La période de froideur diplomatique s'achève aujourd'hui par de nombreux accords, en particulier concernant l'Enseignement supérieur, ce dont on ne peut que se réjouir. Notre nouveau Ministre de l’Éducation nationale débute ainsi ses fonctions, ici à Mexico, avec succès.

Néanmoins, ces points positifs ne sauraient cacher le désastre politique, pédagogique et humain causé par le déconventionnement du lycée franco-mexicain, "fleuron des lycées français à l'étranger" disait-on au Quai d'Orsay il y a encore quelques mois, aujourd'hui voué à un avenir désolant.
Un déconventionnement, oui, puisque le résultat n'est bien qu'un simple accord de partenariat camouflé sous le terme de "convention inédite".


Près de 60 professeurs dits "résidents" sur les 86 vont en effet quitter cette école, les deux tiers donc, malgré l'assurance donnée par le Président du Comité de Gestion en décembre d'en conserver 70.
Assurance sans doute légitime, puisque parmi ceux-là on rencontre des personnes vivant depuis 30 ans au Mexique, des personnes mariées à un-e mexicain-e, des parents d'enfants franco-mexicains, des personnes ayant leur intérêt affectif, familial, culturel, matériel à Mexico.

Il semblait si certain que ces enseignants accepteraient des conditions de recrutement indignes, pourtant ils ont massivement refusé de demeurer sous les ordres d'une direction locale dont on sait trop bien de quoi elle est capable avec la remise en cause des droits syndicaux les plus élémentaires, la précarisation et le dénigrement de ses personnels.


Les enseignants à qui une proposition de contrat a été explicitement formulée et qui feront le choix de rester percevront un revenu après prélèvements sociaux, cotisation à leur mutuelle, pension civile et impôts directs, amputé pour certains de plus de 50%. Et cela, pour les deux prochaines années, les conditions étant à revoir -à la baisse- à la rentrée 2016, s'ils ne sont pas tout simplement licenciés.
Les fonctionnaires détachés perdront donc non seulement une sécurité de l'emploi garantie de fait par leur précédent statut de résident, mais aussi, pour ceux qui font le choix de rester au Mexique même sans enseigner au LFM, une partie de leur vie active passée à servir la France à l'étranger, pour certains depuis les années 80.
Quant à ceux qui quittent le Mexique, ce départ se fait dans des circonstances douloureuses, parfois dramatiques.



Derrière ces considérations générales se trouvent des tranches de vie brisées. Telle enseignante rentre exercer en France après 30 ans au Mexique et ce à deux ans de la retraite, telle autre va quitter le Mexique avec une petite fille handicapée pour un pays dans lequel elle n'a jamais enseigné. Une collègue enceinte a vu sa grossesse se compliquer suite à la gestion de cette affaire. Tous ceux qui partent le font avec le sentiment d'avoir été trompés, floués.
Ils seront nombreux à être confrontés au déchirement humain de choix dramatiques à faire au sein des ménages mixtes, sans compter ceux qui laissent derrière eux un enfant franco-mexicain issu d'un précédent mariage.
Tous connaissent l'angoisse, l'inquiétude, le désarroi, et découvrent pour certains les qualités de la pharmacopée mexicaine.



Autant d'investissements de la part de la France depuis plus de 60 ans pour en arriver là ?



Pour que les futurs enseignants se voient refuser un contrat collectif ?

Pour une perte de la liberté pédagogique et du droit d'expression jusque-là garantis par l'AEFE ?

Pour un accroissement du nombre de situations de harcèlement et d'humiliation déjà trop nombreuses dans cet établissement ?



N'est-il pas urgent de s'interroger sur les raisons de ces départs massifs, et ses conséquences sur l'avenir éducatif au sein du LFM ?

Qui peut, dans ces conditions, garantir le maintien de la qualité de l'enseignement au Lycée franco-mexicain ?



En défendant les statuts et la protection morale et matérielle des enseignants, il s'agissait de défendre le modèle social français. Nous regrettons que l'objectif de réduction de la dépense publique conduise peu à peu à la privatisation du réseau éducatif français à l'étranger et à l'abandon par l’État de nombreux fonctionnaires, pourtant garants d'une mission d'éducation "à la française", partie intégrante de la diplomatie d'influence.

La priorité de l’Éducation, c'est également la priorité du Service public d’Éducation à l'étranger.


Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de nos salutation les plus respectueuses,


Pour le SNES Mexique,
Syndicat National des Enseignements du Second degré



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